Trouveurs
& trouveuses


par Denis Vanderhaeghe

alias Vercoquin
Farai un vers pos mi sonelh


Ferai un vers dans mon sommeil
Marchant dormant face au soleil
Ces dames de mauvais conseil
Sont déloyales
Et de l'amour d'un chevalier
Font un grand mal

Dame ne fait mortel péché
Aimant un loyal chevalier
Mais si c'est un moine un curé
C'est déraison
Par droit prend-on pour la brûler
L'ardent tison

Un jour non-loin du Limousin,
Seul et sans bruit faisant chemin
Trouve les femmes de Garin
Et de Bernart
Elle me saluent simplement
Par Saint Launart

L'une me dit en son latin
Dieu vous sauve don pélerin
Vous me semblez de beau maintien
Apparement
Mais on voit aller par le monde
De folles gens

Ecoutez ce que répondis
Ni bat ni but je ne lui dis
Ni du manche ni de l'outil
Mais seulement
Babariol babariol
Babarian

Lors dit Agnès à Ermessen
Nous l'avons trouvé à présent
Loué soit Dieu profitons-en
Il est muet
Ce que nous ferons avec lui
Sera secret

L'une me prend sous son manteau
Dans sa chambre près du fourneau
Sachez que ce fut bon et beau
Le feu fut bon
Et je me chauffais volontiers
Aux gros charbons

Des chapons cuisaient sur le feu
Il y en avait plus de deux
Ni marmiton ni maître-queux
Seuls tous les trois
Avec pain blanc et vin et poivre
Autant que joie

Ma soeur cet homme est un rusé
Et devant nous ne veut parler
Mais de ce pas je vais chercher
Notre chat roux
Et nous verrons bien si cet homme
Se joue de nous

Agnès partit chercher le chat
Aux longues moustaches et trop gras
Dès que je le vis qui fut là
J'en eus grand peur
Je faillis perdre mon courage
Et ma valeur

Lorsque j'eus bu et bien mangé
Je me mis nu tout à leur gré
L'une prend l'animal grossier
Et trop félon
Elle le tire dans mon dos
Jusqu'aux talons

Oui par la queue soudainement
Tire le chat lui me griffant
M'ouvrant des plaies et plus de cent
Là sans tarder
Mais moi je n'eus fait aucun geste
M'eut-on tué

Soeur dit Agnès à Ermessen
Il est muet ça se voit bien
Soeur préparons-lui donc le bain
Et le séjour
Huit jours et plus je suis resté
Auprès du four

Tant les foutis écoutez-moi
Cent et quatre-vingt et huit fois
Que faillis rompre mes courroies
Et mon harnois
Le mal qui m'en vint fut plus grand
Que ne sais dire

Monet tu iras ce matin
Porter mes vers et ce butin
Tout droit aux femmes de Garin
Et de Bernart
Et dis-leur pour l'amour de moi
D'occire le chat