Une cité ne sais laquelle
Vit s'abattre cette pluie telle
Que tout homme de la cité
Touché devint dégénéré
Tous perdirent le sens sauf un
Qui conserva un esprit sain
Car il était bien à l'abri
Et dormait lorsque chut la pluie
Il se leva bien reposé
Lorsque la pluie avait cessé
Il vint dehors parmi les gens
Qui agissaient en vrais déments
L'un en pelisse l'autre nu
Et l'autre se crachant dessus
Et l'un caillasse l'autre trique
L'autre déchire sa tunique
Et l'un frappe l'autre rudoie
Et l'autre se prend pour un roi
Se tenant fièrement les hanches
Et l'autre saute sur les planches
L'un menace l'autre maudit
L'un injurie et l'autre rit
L'autre ne sait plus ce qu'il dit
L'autre grimace et puis s'écrie
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Celui qui avait tout son sens
Est fort surpris et s'en offense
Car ils ont perdu la raison
Il cherche d'aval en amont
S'il peut trouver un esprit sain
Et non il n'y en a aucun
Alors très grande est sa stupeur
Mais plus grande encore est la leur
De le voir agir sagement
Ils croient ainsi qu'il est dément
Puisque lui ne fait pas comme eux
Et qu'il leur semble qu'ils sont ceux
Qui sont bien sages et sensés
Que c'est lui qui est insensé
Qui le gifle qui le bouscule
Tant et si bien que lui bascule
L'un le pousse l'autre le roule
Il croit échapper à la foule
L'un l'attrape l'autre le tire
Il prend des coups et il chavire
Il se relève et puis d'un bond
Se réfugie dans sa maison
Boueux battu à moitié mort
Mais bienheureux car il s'en sort
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Cette fable est à notre monde
Semblable aux hommes qui le fondent
Notre siècle est cette cité
Toute pleine de forcenés
Le plus haut sens qu'on puisse avoir
Est d'aimer et craindre Dieu croire
Et suivre ses commandements
Sagesse perdue maintenant
Car cette pluie ici a chu
Et convoistise en est venue
Et orgueil et méchanceté
Dont tous les hommes sont gagnés
Si Dieu préserve l'un de nous
Les autres le tiennent pour fou
Le mènent de chute en rebond
Parce qu'il ne fait pas comme eux font
Et qu'ils tiennent Dieu pour folie
Où qu'il se trouve son ami
Voit que tous ont le sens perdu
Que la foi en Dieu est déchue
Eux le tiennent pour insensé
D'avoir au siècle renoncé
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